Le retour de Treizour – Première manche *

du 5 au 13 août 2019

Première partie de la Manche !

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Je suis arrivé depuis les côtes anglaises dans le port de Calais ce dimanche 4 août à 17h30, et Jérôme est arrivé à pied depuis la gare à 18h30. Notre programme est de ramener Treizour à Douarnenez dans le Port Rhu avant le 15 août. Pour le moment, la météo n’est pas très coopérante, attendons la suite.

 

Lundi 5 août - Calais

Le capitaine reprend des forces. Nous préparons le bateau : pleins de fuel et d’eau, courses.

Et un fish & chips de plus au compteur.

 

Mardi 6 août – Calais/Dieppe

Le pont tournant qui ferme la marina de Calais ouvre à 6h54, nous larguons les amarres à 7h.

Nous partons vaillamment, mais les conditions de navigation sont rapidement décourageantes. Manifestement une volonté invisible nous pousse à renoncer au cap et à aller nous réfugier à Boulogne : vent contraire, vagues détestables, courant dans le nez. Le capitaine, au creux de la vague, propose de mettre le clignotant à gauche, mais Jérôme reste optimiste, on continue. Pourtant, entre le calcul de la marée, la vitesse GPS, les prévisions de courants, selon le capitaine il ne reste que 10 heures de navigation… chiffre qui n’évoluera pas pendant plusieurs heures ce qui laissera l’équipier quelque peu perplexe.  On n’est plus marins, mais charpentiers, l’étrave plonge et tape, on plante des clous, des pieux. Jérôme, pas encore amariné, a mauvaise mine et essaye de faire bonne figure, il est un peu barbouillé ; après ma descente express de l’Écosse, j’avais espéré des conditions plus amicales.

le captain soucieux à la table à cartes.
le captain soucieux à la table à cartes.

Arrivée troublante, nous ne sommes plus très lucides après cette navigation épuisante, vers la digue du port d’entrée de Dieppe : à l’œil nous allons droit sur la plage ! Un moment d’hésitation pour rectifier le cap... Puis doucement la confiance dans la technologie est revenue : c’était bien entre la balise rouge et la verte que nous allions, vraiment en crabe à cause du courant de marée, avec 30 degrés d’écart entre le cap du compas et la réalité.

On trouve un ponton dans la marina, nous sommes le mercredi 7 août à 2 heures du matin.

 

Après quelques heures de repos, nous observons un marnage impressionnant, 6 ou 7 mètres entre marées haute et basse.

Balade dans Dieppe, nous sommes attirés par une belle cathédrale qui, cela nous surprendra, est dédiée à St Jacques ; Dieppe est donc sur le chemin de Compostelle.

Grande plage, typique de cette côte, où on ne voit pas beaucoup de baigneurs : beau soleil mais ça souffle et il y a de la fraîcheur dans l’air.

Une bière s’impose sur une terrasse qui surplombe la marina.

 

Jeudi 8 août – Dieppe/Saint Vaast La Hougue

Dans cette météo contraire - avec un vent d’ouest trop établi -, une fenêtre nous permet de quitter Dieppe pour Saint Vaast La Hougue (on prononce Saint Va) avec un vent qui a tourné vers le sud, et en plus la mer s’est calmée. Départ à 6 h, les feux qui nous autorisent la sortie du port sont au vert, pas de ferries en vue. 95 milles nautiques devant nous, une belle étape encore. Ces conditions permettent à l’équipier de mettre sa ligne à l’eau et de pêcher 3 maquereaux, dont un qui ne fait pas la maille, rejeté.

L’AIS sonne sans discontinuer ; nous croisons beaucoup de bateaux. Des cargos au cap bien franc en route vers le Havre, des pêcheurs qui tournicotent d’un casier à l’autre - il nous faudra un moment pour comprendre que bon nombre de leurs casiers sont signalés par une lampe flash. Dans la nuit noire on les confondait d’abord avec des feux sur la côte.

 

Une équation difficile à résoudre : au port de Saint Vaast La Hougue, il y a une écluse ouverte autour de la marée haute ; entre notre vitesse, le courant changeant toutes les 6 heures, les caprices du vent, nous devons arriver vers 4h du matin. On accélère mais tout compte fait on est trop rapide, il faut ralentir, pour terminer au moteur en accélérant. Finalement, nous arrivons le vendredi 9 août à 5h, épuisés.

 

Encore tendus par cette traversée, il nous est impossible de sauter dans nos bannettes ; une soupe de potiron-châtaigne sera la bienvenue pour un retour au calme.

Journée entre parenthèses, sieste-récup’.

Sans le savoir, selon maître Stéphane B. (France 2) nous avons accosté dans le « village préféré des Français 2019 », à la fois port de bateaux de pêche et marina de bateaux de plaisance.

Il nous sera difficile de trouver une épicerie. Tout concourt à vous guider vers une épicerie fine immense. Supérette de luxe aux multiples recoins, aux étals surchargés de produits artisanaux : l’épicerie Gosselin établie depuis 1885.

Des filets de maquereau prêts à passer à la poêle !
Des filets de maquereau prêts à passer à la poêle !

A midi Jérôme prépare les maquereaux qu’il a pêchés en filets grillés – excellents !

 

Ça souffle très fort dehors – force 7-8. On va au bout de la jetée avec difficulté pour regarder les vagues soufflées par les rafales. On espère qu’il n’y a personne en mer, surtout nous.

 

 

Samedi 10 août - St Vaast La Hougue

Nous avons repéré, garé sur le quai, un véhicule amphibie, croisement improbable entre un chalutier et un camion. Nous allons vite comprendre qu’il transporte les touristes vers l’île de Tatihou (aller/retour toutes les demi-heures). Touristes nous allons être, sans le regretter. Le Tatihou II (c’est son nom) est une véritable attraction locale, mais l’île elle-même mérite la visite : jardin tropical qui nous rappelle les Scillys, potager de simples, musée maritime, fortifications dessinées par Vauban, dont une tour imposante où l’étroit escalier, une fois gravi, nous offre une vue superbe.

Un regret, le Tatihou II, selon les marées, rentre parfois par voie de terre, en roulant à travers les parcs à huîtres, ce qui ne sera le cas pour nous.

Le vent souffle encore très fort, mais a tendance à baisser. On se met du côté sous le vent dans le bateau pour ne pas se faire arroser par les embruns – précaution un peu inutile…

 

Je reçois un message d’Albert et Geneviève, les belges rencontrés à Peterhead, ils ont eu aujourd’hui 71 nœuds de vent dans un petit port des Pays Bas où ils se sont réfugiés. C’est l’été ?

2 douzaines d'huîtres
2 douzaines d'huîtres

Dimanche 11 août - St Vaast La Hougue

Encore une journée à terre, la fenêtre météo promise pour rallier Cherbourg ne s’ouvrira que demain.

Saint Vaast La Hougue est réputé pour ses huîtres, c’est tout naturellement que nous allons le vérifier. Jérôme en ouvre 2 douzaines à bord !

 

 

Lundi 12 août - St Vaast La Hougue/Cherbourg

 Départ 7h, l’écluse ouvre à 6h54,  il fait assez beau, petit vent et petites vagues.

Grosse frayeur après avoir passé les bouées au sud de Tatihou – on papote, au dernier moment on aperçoit un bateau de pêche à l’arrêt en train de remonter son filet, à une vingtaine de mètres devant notre étrave. Jérôme se jette sur le pilote automatique, le débranche et donne un coup de barre à 90°, ouf ! On voit les têtes effarées des 3 marins, qui n’ont même pas eu le temps de râler ou de nous injurier, et nous on va mettre un bon moment à reprendre nos esprits, tout tremblants et tout fébriles.

 

Le reste du trajet est presque une formalité, 28 milles, le courant se met dans le bon sens, la mer est presque plate.

Des petits grains par intermittence, un ciel bien noir, et un arc-en-ciel superbe. On passe le grand phare de la Pointe de Barfleur.

Notre étape se conclut au moteur face au vent. On rentre dans l’immense rade de Cherbourg, un ferry arrive en même temps que nous par notre travers, je pensais lui passer devant, mais il lance un grand coup de trompe, en fait il tourne à angle droit et nous coupe la route. Treizour et le voilier qui nous suit doivent faire des ronds dans l’eau, le temps qu’il prenne son virage.

un ferry nous bouscule.
un ferry nous bouscule.

On se met au ponton préconisé par le guide pour les bateaux visiteurs de moins de 12 mètres, mais ça ne nous semble pas être un endroit bien adapté, d’autant plus que je compte laisser le bateau 2 semaines ici. On va à la capitainerie, qui nous indique une autre place. On fait la manœuvre, on amarre Treizour proprement.

 

Nous rangeons le bateau, et commençons à faire nos sacs.

 

Notre projet était de ramener le voilier à Douarnenez, mais la météo est décidément récalcitrante, le vent souffle du Sud-Ouest, et nous allons vers le Sud-Ouest.

Jérôme a pris un billet de train Quimper–Grenoble pour le 16 août au matin, j’ai des visites annoncées chez moi à Douarnenez, et un gros weekend festif à Metz autour du 24 août. Je vais laisser Treizour une quinzaine de jours ici à Cherbourg, je reviendrai vers le 26 pour terminer mon périple, si la météo consent à me laisser passer.

 

Mardi 13 août - Cherbourg/Douarnenez par voie terrestre !

Notre train est à 10h35, on compte quitter le bateau et partir à pied pour la gare vers 9h30, mais une averse démarre à 9h20, une grosse averse qui mouille… On se dit qu’on attend jusqu’à 9h35, mais il faut y aller. On arrive à la gare trempés, dégoulinants.

Cherbourg-Lison, 1h30 de correspondance, Lison–Rennes 40 minutes de correspondance, et encore 2h30 de trajet, en tout notre voyage en train dure 8 heures, dans des michelines qui s’arrêtent dans toutes les gares, on est assis sur des strapontins sous des vélos accrochés au plafond…

A Quimper, bonheur, Patrick vient nous chercher à la gare pour nous ramener à Douarnenez rue du Treiz, repos !

 

Nous retrouvons la maison toute propre, les squatters de l’été ont nettoyé le jardin qui n’a jamais été aussi beau, la maison est rangée ; ça tombe bien, le captain a besoin de se poser, j’ai vécu ces dernières semaines sur un rythme effréné, et même un peu trop !

Je redeviens terrien : conduire la voiture, dormir dans un lit moelleux sous une couette toute douce, j’avais oublié ces sensations.

2 jeunes goélands dans la tour Vauban de l'île Tatihou
2 jeunes goélands dans la tour Vauban de l'île Tatihou