TREIZOUR sur les Mers Celtiques
du 17 juin au 8 juillet

On my own ! *

* en solitaire !

Dimanche 16 juin, Jérôme et Pierre sont partis hier.

 

Je tourne un peu en rond. Je regarde « Avatar » sur l’ordinateur, je lis, je me balade. Il faut que je prenne mes marques pour vivre à bord et naviguer en solo, une nouvelle croisière commence !

 

Journée venteuse, pluvieuse. Je fais de la lessive. Pas facile de faire sécher les chaussettes, les slips et les t-shirts : un peu dehors, entre 2 averses, avec beaucoup de pinces à linge, et surtout dedans, il y en a partout.

Je suis en train de régler des problèmes techniques : je change le réservoir d'eau de 100 litres, il était percé de 2 trous, presque 3, on s'en est rendu compte quand on a découvert une grande flaque dans l’entrée de la cabine avant !

Je change aussi le pilote automatique, et j'essaie sans conviction de faire réparer l'ancien : à 3 équipiers on pouvait se relayer à la barre pour les dernières étapes, seul je ne pourrais pas continuer la croisière sans cet équipement essentiel.

 

Il ne fait pas chaud, même si le temps est raisonnablement beau. Il faut que je m'habitue, le chauffage électrique ce n'est que dans les ports où je peux me mettre à quai ou au ponton, avec du 220 volts !

 

Lundi 17 juin, grande balade vers le phare qui balise l’entrée de la baie de Cork.

 

Mardi 18 juin

Bus de Crosshaven à Cork. Je vais explorer la vieille ville de Cork. Je mange une salade Caesar.

Au retour le réservoir est arrivé au point-dépôt, la supérette locale. Je l’installe tout de suite, j’en ai marre de fonctionner avec un jerrican posé sur l’évier.

 

Grandes discussions avec mon voisin de ponton, il fait des sorties en solo avec un voilier de 7 mètres. Il me donne des tuyaux pour mes prochaines étapes.

 

Mercredi 19 juin

ça y est depuis hier aprèm' j'ai un réservoir d'eau qui ne fuit pas, ouf ! J’ai fait également plein de petites bricoles : réinstaller mieux l'ancre, refaire (une fois de plus) l'étanchéité du hublot côté cuisine, améliorer les passages des drisses, des bosses de ris, nettoyer des taches de rouille inesthétiques... Toutes les choses qu'on ne fait pas quand on navigue.

Mais le nouveau pilote automatique qui devait arriver ce matin n'est pas là. Demain matin...

 

Hypothèse : je pars vendredi matin 4h du mat' pour Kilmore Quay, juste avant le virage de la remontée entre l’Irlande et l’Angleterre. Belle journée en perspective, 70 milles nautiques.

 

Jeudi 20 juin

Grrrr, mon pilote n'est toujours pas arrivé ! Il DOIT arriver ce soir avant 18h. Eh oui, je pars cette nuit !

Peut-être Kilmore Quay, peut-être Wiklow, en dessous de Dublin. La météo décidera, et ma forme.

 

Je devais avoir mon nouveau pilote automatique hier matin (commandé lundi matin, livré depuis l'Angleterre), je ne l'ai eu que cet après-midi à 16h ! Je commençais à ruminer et à trépigner... J'ai installé la nouvelle prise dans le cockpit, évidemment elle est différente de l’ancienne, il faut percer, limer… Ça marche, ouf. Le trou de fixation du pilote sur le banc du cockpit était à bâbord, je vais le réutiliser.

Le nouveau réservoir est OK, j'ai rangé le bateau, j'ai des réserves de fuel, tout est prêt.

Départ demain matin à l’aube, j'aimerais arriver à Kilmore Quay dans la soirée. Petit temps annoncé. En ce moment le jour se lève très tôt, j’ai constaté qu’à 3 heures du matin les lueurs de l’aube sont là, on peut naviguer sans problème.

 

Vendredi 21 juin

Ceux qui me suivent à la trace sur Marine Traffic (http://www.marinetraffic.com) ont dû être étonnés !

Départ à 4h30, et là il fallait que je configure mon pilote tout neuf. Opération de routine, en théorie…Je fais ça dans la baie de Cork avant de sortir vers le large. Le principe c’est qu’on fait des grands ronds dans l’eau pour que le compas interne ajuste sa vision du nord. J'ai tourné, tourné, tourné... Ça ne marchait pas, il se trompait de 180° !

Eh oui, on peut installer le pilote automatique à bâbord, mais j’ai découvert qu’en standard il est livré pour être installé à tribord… Alors il marchait à l’envers !

J’ai fini par retourner au ponton à 6h du matin.

Et là, enfin,  j'ai trouvé dans le mode d’emploi, en anglais bien sûr, les petites lignes page 31 qui renvoyaient aux petites lignes page 49 qui indiquaient comment inverser de 180° le compas.

6h20, je suis reparti, tout marche bien, ouf !

 

Comme je suis parti à la bourre avec mes problèmes de pilote, du coup ça a été voiles ET moteur quand le vent faiblissait trop... Je voulais arriver avant la nuit.

 

C’est ma première étape seul à bord depuis bien longtemps. Longue étape. J’essaie de retrouver mes automatismes. Ça se passe bien, mais il faut tout anticiper, tout penser, c’était plus facile à trois !

Petit temps, soleil. Je fais des petites siestes de 15 minutes, avec le minuteur.

Par moments, presque plus de vent, moteur.

 

J’arrive à Kilmore Quay assez tard, je fais le tour du port à la recherche d’une place, un phoque gris m’accompagne !

Amarrage fini à 10 heures du soir. Je crois que j'ai eu la toute dernière place libre du port. Je cafouille un peu mon appontage, 3 voisins viennent me donner un coup de main. Je souffle. Une voisine vient me faire la causette, et me dit que j’ai un très beau bateau !

11 heures du soir, on frappe à mon hublot, finalement je suis sur une place réservée, et ils arrivent à l’instant… Manœuvre à la nuit tombante, je me retrouve sur un bout de ponton moche avec des taquets cassés, ficelé un peu n’importe comment.

Dodo, mais je repars dès demain vers Arklow. Ça ne présente pas beaucoup d'intérêt de rester ici !

 

samedi 22 juin

7 h du mat’, amarres larguées. Ça souffle dehors, 20 nœuds, et je suis au près serré. Après le virage pour entrer dans le Canal St George, entre Irlande et Angleterre, mon allure est meilleure et le courant accélère, je fais des pointes à 8,5 nœuds.

Belle journée de voile.

J’arrive à Arklow, je remonte la rivière qui traverse la ville, à gauche une darse pour les bateaux de pêche, plus loin un ponton sur la rive pour les plaisanciers en visite, et là, un étroit passage qui me permet d’entrer dans une minuscule marina, toute tranquille.

Je suis bien planqué au fond de cette modeste marina, mais ça n'est que pour la nuit, je repars dès demain matin pour Dublin, heure du courant oblige.

 

dimanche 23 juin

Départ à 8 h. Le temps est couvert, on annonce de la pluie. Je quitte ma mini marina.

Peu à peu le courant m’embarque, tout va bien, mais le vent tombe, et je termine au moteur.

je suis à Dun Laoghaire - Dublin à 15h30. Et je suis accueilli par un phoque dans le port, à quelques mètres des pontons.

La météo annonçait de la pluie toute la journée, berk, naviguer et manœuvrer sous la pluie, mais la pluie n'a démarré qu'à 16h30 ! Et le vent s’est levé.

 

Dun Laoghaire est la station balnéaire de Dublin, et le grand port de plaisance du coin.

Le vent siffle dans les haubans, mais je suis au fond du port, le plus abrité possible.

Je suis ici pour 4-5 jours, repos-balades-visites.

Et après, je continue ma remontée, peut-être le weekend prochain l'île de Man, puis Belfast.

 

Comment prononcer Dun Laoghaire ?

Un voisin de ponton m’a expliqué il y a quelques jours qu’il faut dire « Deune Liry », ou quelque chose comme ça. Ah la prononciation du gaëlique ! Mais arrivé sur place, je comprends. Comme en Bretagne, les noms de lieux sont bilingues anglais-gaëlique, et l’ancien nom anglais, qu’on ne voit écrit pratiquement nulle part mais que tout le monde connaît, c’est Dunleary !

Dun Laoghaire, ça se prononce quelque chose comme « Doune Légueure »…

j'ai fini par tout comprendre dans le Dart, le train de banlieue qui traverse Dublin : il y a les annonces vocales et affichées des stations à venir, et ces annonces sont bilingues !

 

lundi 24 juin

Cette nuit, gros coup de vent, grosse pluie, m'en fiche, je suis bien à l'abri au fond du port.

 

Aujourd'hui balade dans Dublin, pas de pluie, tout va bien.

je fais le touriste : j'ai vu le Book of Kells, LE trésor irlandais à voir, un évangéliaire tout enluminé de l'an 800. Ce livre annonce tous les décors irlandais qu’on voit aujourd’hui partout, ce qu’on appelle les nœuds celtiques. Et j'ai vu la bibliothèque du Trinity College où il est, une splendeur, 10 mètres sous plafond, des livres reliés cuir partout, magnifique ; et puis la statue de Molly Malone, l’héroïne d’une chanson très populaire ici, et puis le quartier branché de Temple Bar, et puis le Ha'Penny Bridge, un petit pont piéton tout mignon...

 

J'étudie la possibilité d'un stop à l'île de Man, sinon ce sera Belfast bientôt. Les distances sont longues, j'essaie de voir comment gérer tout ça en fonction des marées, de la météo, et puis il faut tenir compte de certains impératifs : à l'île de Man, les ports ont des portes comme le Port Rhu, ça n'ouvre qu’autour de la marée haute.

 

Il fait beau, tous mes problèmes techniques sont réglés, je savoure ces moments de calme.

J'ai le temps pour monter en Écosse, mon rendez-vous à Tobermory sur l'île de Mull est le 9 juillet, et on est en été !

 

Tout le monde me parle de la canicule en France, ici à Dublin je supporte bien une petite polaire, même si ce soir je suis au soleil dans mon bateau.

 

Mardi 25 juin

Je suis allé au musée maritime de Dun Laoghaire, musée modeste, mais avec des informations intéressantes. On y parle de Saint Brendan qui a découvert le Nouveau Monde environ 1000 ans avant Christophe Colomb, et moi j'ai découvert Hy Brasil !

 

Je connaissais l'île de Hy Brasil par le film de Terry Jones des Monty Python "Erick le Viking", ce fameux film où il y a cette scène où les héros atteignent le bord du monde ; eh bien ces héros abordent une île mythique nommée Hy Brasil, et je pensais que c'était une invention de Terry Jones. Pas du tout, ce mythe est bien réel, si je peux m'exprimer ainsi ! Encore une île perdue qu'on retrouve sur de vraies cartes officielles.

Je joins ci-dessous une preuve authentique photographiée dans le musée aujourd'hui, le carton qui explique tout.

Pas de doute, sur cette carte de 1572, il y a l'île de Hy Brasil à l'ouest de l'Irlande.
Pas de doute, sur cette carte de 1572, il y a l'île de Hy Brasil à l'ouest de l'Irlande.

Journée tranquille, balades. Temps gris, qui se découvre ce soir, je pense que je vais avoir un beau coucher de soleil.

Guitare, bricolages, lecture (« Boucaille à Douarnenez », une aventure de Mary Lester), films (je démarre la trilogie du Seigneur des anneaux), coup de Skype avec Maman.

 

Mercredi 26 juin

Je teste mon annexe avec son petit hors bord, j’essaie de mieux le régler. Il marche vraiment très bien, et il doit avoir une trentaine d’années. Je vais à son bord de l’autre côté du port faire remplir mon jerrican de fuel.

 

Je vais à Dublin encore, avec le Dart. Je vais voir la cathédrale St Patrick, et là, coup de téléphone de Nancy, qui me propose une équipière pour les semaines à venir. Affaire à suivre. En fait ça ne se fera pas, mais la proposition était intéressante !

Non loin de Dublin, il y a la légendaire colline de Tara, en ville il y a Tara Street, une station du Dart s’appelle Tara Street, on ne peut pas y échapper.

 

Jeudi 27 juin

Je fais la vidange du moteur de Treizour, et je change la bouteille de gaz.

 

Il fait beau à Dublin, virée vers Grand Canal Docks. Quartier ultra-moderne, il y a entre autres Google Docks, eh oui, un des GAFA installé en Irlande pour cause d’impôts…

Je me suis baladé dans la ville en t-shirt, sans problème ! Il y a des gens plein les jardins publics, en train de bronzer sur le gazon ! Je ne sais pas si ça va durer mais je prends.

 

vendredi 28 juin

J’ai vu 2 phoques à 25 mètres de mon ponton !

 

Aujourd’hui j’ai quitté mon ponton, j'ai fait le petit trajet de Dun Laoghaire à Howth, j’ai traversé la baie de Dublin. Je m'avance pour partir un peu moins tôt demain matin - 4h du mat' !

Aujourd'hui, short, t-shirt et tongs, pour naviguer, eh oui. Bon, ce n'est pas la canicule, mais il fait bon et j'en profite, ça ne durera peut-être pas, demain je devrais sans doute avoir quelques gouttes de pluie.

Je prends une place à un ponton, je vais au bureau du port, le marinier me dit que la place est libre, tout va bien.

Balade en ville, je reviens, et je vois mon marinier en train de déplacer Treizour de façon un peu approximative, tout compte fait la place était réservée…

 

Je compte viser demain Ardglass, à la hauteur de l'île de Man, et dimanche j'irai à Peel sur l'île de Man, si tout va bien.

 

samedi 29 juin     

3h50, amarres larguées. Je quitte le port et derrière moi je vois un feu d’artifice à Howth, j’imagine que c'est une fête privée.

Petit temps. Ciel couvert. Il tombe quelques gouttes.

Je suis arrivé à 17 h à Ardglass, un voisin sympa me donne un coup de main, et en français, ce qui n’est pas si courant !

J’explore cette petite ville, un peu déserte, balayée par un vent frisquet. Un panneau explique le sens du nom de la ville, et j’y apprends que « glass » signifie vert, comme le « glaz » breton.

 

Je suis prêt à partir à l’aube pour être à l'ouverture de la porte du port de Peel, à l'heure de la marée haute.

Mais encore une fois j’ai étudié les cartes météo. Et je renonce à aller à l'île de Man.

Je renonce pour cause de météo, la prévision a complètement changé, le vent secteur sud, qui devait me permettre de quitter l'île mercredi, est devenu du vent secteur nord, et ça pour toute la semaine à peu près. Et j'ai rendez-vous en Écosse le 9 juillet, je vais finir par être en retard !

Donc, tant pis, demain je file vers Bangor-Belfast. Il faudra que je revienne. Je comptais ajouter une île rare à ma collection…

L’année dernière, pendant notre séjour en Irlande avec Jean et Noëlle, je m’étais acheté le pavillon de l’île de Man, en prévision…

dimanche 30 juin

8h, je pars, soleil et bon vent de 16 à 20 nœuds.

Allure grand largue, je me mets sous génois seul, la mer est très agitée, très formée, la bôme est trop agitée elle aussi.

le vent monte, la mer commence à mousser. Pour la 1ère fois je mets le harnais attaché au bateau. Par moments le vent atteint 28 nœuds.

En fin de matinée je vois l’île de Man au large, c’est une île assez haute.  Plus tard je vois l’Angleterre, le Mull of Galloway.

Je me prends un gros grain. Peu à peu je tourne, je suis de plus en plus au près serré.

Pour entrer dans la baie de Belfast, je passe entre la côte et  Copeland Island, et là ça empire : vent dans le nez, courant de marée dans le nez.

Je fais une arrivée dans la baie de Belfast assez épique, avec 30 à 36 nœuds de vent (force 7-8) et le courant dans le nez ! J'ai crû que je n'arriverais pas au port. Treizour est un bateau assez léger, et ce vent de face créait un petit clapot très court qui stoppait le voilier dans son élan. Par moments j’étais à 1 nœud…

 

Voyage un peu compliqué, le vent était beaucoup plus fort qu'annoncé à la météo, et la mer très formée, pour la 1ère fois de mon voyage.

J'ai enlevé le irish flag, le pavillon irlandais, et j'ai hissé le Union Jack, le pavillon britannique, je suis passé d'une Irlande à l'autre.

 

Je suis à Bangor, le port de plaisance de Belfast. C’est une station balnéaire, tout est propre, mais on a beau être en été ce n’est pas très joyeux.

Je fais mes courses, je paie en Livres : 1 = 1,12 €, mais je suis encore en Europe…

 

Lundi 1er juillet

ça a soufflé et sifflé dans les haubans cette nuit, mais j’ai bien dormi quand même. Ce matin il pleut, il y a parfois des rafales à 30 nœuds. Il ne fait pas chaud.

Je mettrais bien en route mon petit chauffage électrique, mais sur le ponton toutes les prises 220v sont occupées. Je vais au bureau, et je demande si par hasard…

Le marinier s’étonne, et me dit « je viens voir ça ».

Une prise était condamnée avec un "serflex" et une étiquette au nom du bateau voisin. Il arrache tout ça et me dit « eh voilà ! »

J’ai éclaté de rire ! Maintenant j’ai chaud.

 

Mardi 2 juillet

Aujourd'hui je vais me balader à Belfast. Comme à Dublin, il y a un train façon métro avec des stations dans la banlieue et la ville.

Je vais aller visiter le musée Titanic, eh oui, le Titanic a été construit ici.

Ce musée est un énorme machin ultra moderne, avec certaines choses qui ne me passionnent pas, par exemple sur le développement industriel de Belfast et de ses chantiers navals, mais il y a des choses vraiment intéressantes sur l’aménagement intérieur du Titanic, cabines de 1ère classe, cabines de 2nde classe, cabines ou dortoirs de 3ème classe. Et puis il y a la partie dramatique, le naufrage, et la redécouverte de l’épave en 1985, avec des films sous-marins étonnants.

Belfast ne me séduit pas vraiment, ville triste…

 

Temps très variable, ici, mais le vent souffle fort assez souvent, et ça siffle dans les haubans du port. Patience, on est début juillet, en théorie c'est l'été ici aussi !

 

Mercredi 3 juillet

Beau temps ce matin, grand soleil.

Aujourd’hui, j’ai testé un « irish stew » en conserve, ce n’était vraiment pas bon… J’en ai gardé un goût affreux de vieille graisse dans la bouche tout l’après-midi. J’avais acheté 2 boîtes, j’ai jeté la 2ème… Je fais des essais de plats tout prêts, c’est commode pour les repas en mer, quand l’ambiance n’est pas à faire de la grande cuisine. L’Irlande est très décevante…

 

Je suis allé payer ma place de port. J’avais pris avant de partir la carte « TransEurope Marinas », carte gratuite. Ça marche pour certains ports. J’ai payé moitié prix !

 

Je me prépare à partir, a priori cette nuit à 0h30 ! Eh oui, il faut que je profite du courant de marée qui monte vers le nord à partir de 0h30…

Je calcule fébrilement mon trajet, je monte vers l’Écosse, vers le Sound of Jura, je vais passer le Mull of Kintyre, connu des mélomanes pour une célèbre chanson du même nom signée Paul McCartney.

Je vise l’île de Gigha.

 

Derniers préparatifs : je revois la fixation de l’annexe sur le pont avant, on a pris l’habitude avec Pierre et Jérôme de la laisser là, et j’en aurai peut-être besoin à Gigha. Et puis je dois faire le plein d’eau, les derniers rangements, quelques courses, et le plein de fuel : je ferai peut-être tourner le moteur assez souvent, les courants de marée sont apparemment très forts dans les « sounds », les fjords écossais.

 

Extrait d’un mail d’Arlette :

« (…) Bien sûr que tu es obligé de faire un journal. C'était une question intéressée. Parce que quand tu l'auras fini tu me l'enverras, alors j'en aurai un de plus à lire et relire. Tu sais que "écrivain de mer" était un pléonasme du temps d'Homère, un marin était obligatoirement un poète. »

Ah, ça me met la pression, un mail pareil !

 

Jeudi 4 juillet

0h25, amarres larguées. Je quitte Bangor-Belfast, cap sur Isle of Gigha dans le Sound of Jura, l’Écosse !

Vent de 12 nœuds, mer belle, ciel un peu bouché. Assez vite le courant est là, dans le bon sens, c’est pour ça que je suis parti en pleine nuit.

Je suis stressé, noué, mais ça va bien. Avant de partir, dans la journée j’ai fait de grosses siestes, je suis pas trop explosé.

Dès 2 heures du matin, je vois les lueurs de l’aube sur l’horizon. Pas de doute, je vais vers le Nord.

7h du matin, j’ai déjà parcouru 34 milles nautiques, moyenne 5,3 nœuds.

Je vois aussi bien les côtes irlandaises qu’anglaises. Je vois l’île Rathlin au nord de l’Irlande, et j’approche du Mull of Kintyre.

La pleine mer est à 7h40, c’en est fini du bon courant, et je ralentis déjà.

9h15, je dois avoir au moins 3 nœuds de courant contraire, et il n’y a presque plus de vent. Je mets le moteur à 2200, 2500, 2800 tours/minute… Par moments je suis à 1 nœud…

 

Il y a plein d’oiseaux. Avant je voyais beaucoup de pétrels et de puffins, ici ce sont des vols en formation de fous de Bassan et des guillemots adorables.

11h, grand voile + génois + moteur à 2500 t/mn, j’atteins 3,5 nœuds !  Le courant est en train de baisser, enfin.

 

Pour moi, la violence du courant ici est une découverte, même si j’avais lu les guides.

Dans l’après-midi j’approche de l’île de Gigha où il y a une petite anse bien abritée. Je piste un voilier devant moi, je veux voir où il passe : si on fait le mauvais choix ici, on risque d’être dans une veine de courant vicieuse !

16h, j’ai pris une bouée du 1er coup. Le temps est devenu grincheux, l y a des rafales qui font tourner le bateau. Je mets mon annexe à l’eau, je vais tripler mon amarre sur la bouée, et je reste au chaud à bord.

Il y a une vingtaine de voiliers au mouillage, et quelques uns amarrés sur un ponton.

J’irai découvrir l’île demain matin, je reste au sec.

 

Vendredi 5 juillet

Je mets le petit hors bord sur l’annexe et je vais faire un tour sur l’île. Ici, pas de bureau du port, pas de capitainerie, mais une « honesty box ». On prend un imprimé qu’on remplit, nom du bateau, nom du capitaine, on prend une enveloppe, on y met l’imprimé et les sous, et on place tout ça dans une boîte aux lettres qui a l’air bien pleine. Voilà quelque chose d’inimaginable en France, non ?

 

 Je fais un tour sur l’île, mais le temps se met au crachin, je rentre vite à bord.

 

J’ai fait et refait mes calculs d’heures de marées, les décalages selon les lieux, les distances et les vitesses supposées, je pars à 11h25 ! 4 bateaux partent en même temps que moi, ça me rassure, mes calculs doivent être bons…

Le crachin est là, je pars en ciré complet, et ça va durer toute la journée.

Je suis parti avec un petit courant contraire, j’attends le démarrage du courant montant. Le vent monte en rafales, je prends un ris. Je me fais un vrai repas chaud. Je mange debout, en ciré.

 

14h30, je commence à être dans des gros remous de courant, et là, je vois un dauphin ! Je le revois, et puis tout à coup une nageoire noire arrondie assez caractéristique, ce doit être un globicéphale, une « pilot whale », mais je n’en saurai pas plus.

Je suis aux aguets, et j’entends un souffle. Un souffle ? Ça ce n’est pas un dauphin… Et je vois à 20 mètres du bateau une baleine qui émerge, qui doit faire à peu près la taille du bateau, sans aucun doute une baleine de Minke.

J’en avais vu l’année dernière avec Noëlle et Jean dans les Blasket Islands en Irlande, mais là c’est magnifique : juste à côté du voilier !

 

Plus j’avance dans le Sound of Jura, plus le temps se dégrade, et plus le courant augmente. J’approche du Golfe de Corryvreckan, et là ça va être un vrai rodéo : je vais faire des pointes à plus de 11 nœuds ! Eh oui, nous sommes en vives eaux, coefficient 94 aujourd’hui, et je passe vers la mi-marée, au plus fort du courant ! J'ai dû avoir 5 nœuds, 6 nœuds de courant par moments ?

 

Je suis sous pilote automatique, mais là il se fait déborder, c’est comme naviguer sur un torrent de montagne, le bateau fait de grands zigzags assez incontrôlés. L’eau a un aspect pas rassurant du tout, ça déferle, ça mousse, tour à coup il y a un cercle de 20 ou 30 mètres de diamètre tout lisse et ça brasse tout autour… Il n’y a que 15 nœuds de vent, pas de houle, alors qu’est-ce que ça doit être un vrai jour de sale temps ! Je ne suis passé que par le golfe, pas dans le détroit de Corryvreckan

 

Corryvreckan – en aviez-vous entendu parler ?

Extrait du guide de navigation « Kintyre to Ardnamurchan », page 80 :

« (…) Par temps calme à l’étale, tout le golfe devient placide, et ne donne aucune indication de sa nature féroce dans certaines conditions de vent et de marée. Il atteint son paroxysme quand une houle atlantique, ayant gonflé après plusieurs jours de gros vents d’Ouest, rencontre une marée montante. Un passage à ce moment-là devient impensable. »

Extrait de Wikipedia - Détroit de Corryvreckan

 « La force du courant est telle dans le détroit que la Royal Navy a déclaré le détroit « non navigable » ; en effet, le courant peut dépasser huit nœuds et demi dans le détroit, et génère de nombreux tourbillons et remous ainsi que des vagues stationnaires pouvant atteindre 8 mètres de hauteur. La cause de ces tourbillons est la présence au milieu du détroit d'un pilier de basalte de 170 mètres de haut constituant un haut-fond situé à 29 mètres sous le niveau minimum de l'eau. »

 

J’arrive à Craobh Haven (à prononcer « Croove » ou « Creuve » selon les guides) vers 18h, une marina créée de toutes pièces dans un abri naturel. Au dessus, il y a un ensemble de résidences secondaires, un resto, pas de quoi donner envie de rester.

Le marinier du bureau me confirme mon hypothèse, c’est une baleine de Minke que j’ai dû voir. Il me dit aussi que demain le temps sera meilleur – en fait il n’aurait pas pu être pire…

 

Après cette journée riche, je dors bien.

 

Samedi 6 juillet

Il fait beau, on y va, je profite. Le vent est assez tranquille et n’est pas trop mal orienté. Un tien vaut mieux que deux tu l’auras… Et à la vitesse où ça change ici !

12h, je quitte Craobh Haven, je largue les amarres, manœuvre un peu cafouilleuse avec des témoins, marche arrière avec juste la petite rafale qu’il ne fallait pas. Tout rentre dans l’ordre.

Belle journée de navigation. Je passe le Sound of Luing, maintenant je suis habitué aux remous du courant. Je vois un ou deux dauphins.

13h45, officiellement c’est à peu près l’heure de l’étale, mais l’eau est toute frémissante.

 

Dans l’après midi, j’embouque le Sound of Kerrera, le courant démarre, mais cette remontée dans ce chenal étroit est très belle. Encore des dauphins.

J’appelle avec la radio VHF la marina, pourrais-je avoir une place au ponton ? « Prenez la place qui vous convient le mieux », me répond la dame du bureau.

 

17h, je suis amarré dans la Oban Marina, que est en fait sur l’île de Kerrera, juste en face de la ville de Oban.

Toutes les heures un petit « ferry » gratuit, en fait une petite vedette rustique, fait la liaison entre la marina et la ville. Je peux aller faire mes courses, visiter, me balader. C’est parfait. Et je suis sur une île tranquille, verte, charmante !

 

Je me promène à Oban : c’est une ville de villégiature, avec de beaux hôtels un peu à l’ancienne, face au Sound.

Sur l’île de Kerrera, le soir sur les sentiers je fais fuir les petits lapins qui galopent, j’admire les vaches écossaises à longs poils, des gros cochons bien musclés, un bouc aux cornes étonnantes façon antilope.

Il y a des moments rugueux dans une croisière vers l’Écosse, mais il y a aussi des moments tranquilles et que je savoure, et ces jours-ci sont parfaits !

Je suis un peu en avance à Oban. Je contacte Gueg et Véro. Ils vont passer 2 jours sur l’île de Iona, au bout de l’île de Mull. On avait projeté que je les embarque à Tobermory sur l’île de Mull, ce n’est pas loin d’ici.

 

Mes expériences de ces jours-ci me font modifier le projet. On aurait 45 milles nautiques à faire ensuite, de Tobermory à Fort William, pour atteindre le départ du Canal Calédonien, ce qui voudrait dire le temps de 2 marées, une montante et une descendante…

 

Je leur propose de revenir de Mull à Oban en ferry, on partira d’ici, on n’aura qu’une trentaine de milles nautiques pour Fort William, juste une marée montante à gérer. Ils sont d’accord, on se retrouve mardi après-midi, et ce sera le début d’une nouvelle aventure !

 

sur l'île de Kerrera, lundi 8 juillet 2019

De la crème hydratante homme Weleda pour le captain de TREIZOUR !

Quelques mots d’explication : Gueg me demande il y a 15 jours s’il peut m’apporter quelque chose qui me ferait plaisir, qu’on ne trouve pas en Écosse. Je réfléchis, non je ne suis pas vraiment en manque de camembert ou de kouign-amann… Ah oui, j’ai une idée, je repense à une discussion rigolote et décalée qu’on a eue avec Pierre : il avait cette fameuse crème à bord, et avec Jérôme on a testé, eh bien sur une peau bien brûlée par le soleil, le vent et les embruns, ça fait beaucoup de bien ! Gueg et Véro viennent d’arriver à Oban avec 3 tubes dans leur sac, c'est leur fille Maëlle qui s'est chargée de trouver ce produit magique ! Et Jérôme m’a déjà annoncé qu’il m’en apporterait un tube à Calais, pour la dernière étape. Je vais revenir à Douarnenez avec un teint de rose et une peau de bébé. C'est sûr.